Philippe de Jaucourt

Testament de Philippe de Jaucourt

(1390.)

Au nom de notre Seigneur, amen. Saichent tuit que en l'an de l'Incarnation de Nostre-Seigneur mil trois cens quatre-vins et dix, le jeudi, jour de la feste de l'Assumpcion-Nostre-Dame, je Phelippes de Jaucourt, chevalier, seigneur de Villarnoul, estans au lit malades et en grant enfermeté de maladie, sains et bien avisié de pansée, de parole et de entendemant, considérans et actendens en moy qu'il n'est riens plux certain de la mort, et chouse plus incertaine que de l'eure de la mort, et pour ce désirans de tout mon povoir de proveoir au remède et salut de l'âme de moy, afin que la mort ne me survigne in promtu, non volens départir de cest siècle intestat, confesse avoir fait et ordonne et enquore fais et ordonez mon testament, ordonance et dernière volunté, et de moy et des biens que Dieux m'a donnez j'ai ordonné et ordonne, en la manière qui s'en suit, en révocant et rappallant et mectant au néant tout aultre testament et ordonance par moy par avant fait :

et premièrement je recomande l'âme de moy à Dieu, le Père tout puissant, à la glorieuse Vierge Marie, sa mère, et à tous les sains et saintes de Paradis, et à toute la court céleste ;

item je vuil que mes debtes, mes malfais, mes malvais acquests et extorcions soient amandés, rendus et restitués à ligiens prové, ou cas que les conquérans seront de bonne vie et renummée.

Item je eslis ma sépulture en l'église collégial de Nostre-Dame et de Saint-Ladre-d'Avalon, devant l'autel que j'ay fait faire et esten en ladicte église, qui est et sera fais en l'oneur de saint Ladre et de saint Anthoigne.

Item vuilz et ordonne que par les chanoines de ladicte église soit chantée et célébrée audit autel ou faite célébrer chascun jour, à l'heure du point du jour, à toujours mais perpétuellement une messe des trespassés pour ie remède des âmes de moy, de dame Ysabel de Belveoir, mon amée fame et compaigne, et de tous les amis de moy et et de elle trépassés et en vie. Laquelle messe, avant qu'elle soit encomansée de chanter, lesdis chanoignes seront tenu de copeter ou fere copeter la grosse cloiche de l'église six-vins coups à trois intervalles, c'est assavoir à chacun intervalle quarante coups, affin que les bonnes gens qui la vouldront oir y puissaint mieux aler à heure.

Item je vuil et ordonne que par lesdis chanoignes soit fait chacun an, en ladite église, un anniversaire sollempne le lendemain de la feste Saint-Ladre en karesme, pour le remède des âmes de moy et des dessus diz.

Item je laisses et donnes auxdis chanoynes et à ladicte église, pour célébrer ladicte messe et ledit anniversaire, les héritaiges, possessions et chouses qui s'ensuiguent, ou cas toutevoie et avant tout ouvre qui plaira à mon très redoubté signeur monsigneur de Bourgogne, lequel consentement mes héritiers seront tenus procurer et porchacier envers ledit monsigneur de Bourgogne, à leurs coux, missions et despens : c'est assavoir toute ma partie et portion que j'ay et puis avoir, en quelque mainière que ce soit ou minaige d'Avalon, tant des quinze livrées que Jehan de Montrécourt, escuyer, me doit de rente et est tenuz chacun an, sa vie durant, à moy, à cause dudit minaige, comme de ce qui doit avenir à moy et à mes héritiers à cause dudit minaige et levée de scel, après le trespas dudit Montrécourt, et généralement toutes mes maisons, meix, levée de scel et tous aultres héritaiges, rentes et possessions que j'ay et puis avoir en laditte ville d'Avallon, cornant qu'elles soient nomées, dictes ou appelées, et toute ma terre de Chassigney, ensemble tous les profits, yssues, rentes et émolumens d'icelle, soient maisons, mex, homes et femes, serfs, prés, bois, ripvière, justice et aultre chouse quelcunques, sans riens en retenir. Et vuil ou cas dessus dit que desjay lesdis chanoynes en soient vestis et saisis en telle menière que moy et mes héritiers demorent quittes envers lesditz chanoynes de tout ce qui leur est dehu de rante ny aultrement, sur ma vigne appellée la vigne Seguin, séant au finage de Vassy...

En tesmoing desquelles chouses nous, c'est assavoir : je testateur et je Isabel dessus dit, avons requis et obtenu le scel de la cour monsigneur le duc de Bourgogne estre mis et plaqué à ces présentes lettres de testament doublées comme dit est ; à la jurisdiction et contrainte de laquelle cour monsigneur le duc, en espécial, nous soubmettant nous, nos héritiers et tous nos biens, quant à fere et accomplir les chouses dessus dictes en la forme et manière que dessus est divisié. C'est fait en la présence de Guillaume Monein de Rovroy, clerc juré de laditte court monsigneur le duc de Bourgogne, coadjuteur de Andrier Niscot, tabellion de Semur, messire Laurent Jobert, curé de Savigny-en-Terre-Plane ; Jehan de Boisselier, l'esné ; Hugues Mongeart ; Guillaume Ligier, d'Anthio ; Regnaut Thiébert; Guillaume le Quehu, de Mostier-Saint-Jehan ; Perrenot Calot, et de Huguenot dit de Columbiers, tesmoings ad ces chouses appelés et requis, l'an et le jour dessus dit.

(Archives de l'Yonne, fonds du Chapitre d'Avallon.)

Chastellux. Histoire généalogique de la maison de Chastellux, 1869, 373-74.