Maurice Joseph Henri Magis

• From La fuite au Maquis by Alain Campiotti

Rue Guénégaud. Tout le monde vient là pour fureter dans les bouquins de Maurice Magis. Il en parle avec tant de passion! Au détour d’une pile de livres, on y croise un peintre, Soutine ou Mendjisky, un écrivain, Louis Aragon ou André Breton. Jean Jérôme (le Mikhael Feintuch des armes pour l’Espagne) est un habitué. Reynold Thiel y venait aussi avec sa bicyclette à remorque. Maintenant, il arrive au volant de la Citroën 11 CV que lui vaut son nouvel emploi d’administrateur à Weltkunst.

Printemps 41. Le pianiste vient de rentrer de Berlin. Il a passé quelques jours avec André et Juliette Lasserre, échappés de la prison de Toulon où la mort leur était promise. Ce boulot sous direction allemande, Thiel le doit aux relations des Lasserre, et au parti qui lui a donné l’ordre d’accepter cette collaboration compromettante. Weltkunst a mis la main sur la maison d’art de Georges Wildenstein et sur sa revue, Beaux-Arts.

Si Magis, et Lulu sa femme, Jérôme et Thiel se croisent souvent, ce n’est pas seulement à cause des livres. Ils sont amis, et ils sont associés dans le même travail clandestin pour le parti: l’impression des tracts et des journaux, dans des ateliers dispersés en région parisienne, sous le contrôle de Jean Jérôme. La librairie est une des planques pour le papier et les machines. Thiel, grâce à son travail à Welt­kunst, est une bonne source d’approvisionnement. Il s’est chargé de faire imprimer un appel du PCF aux socialistes et aux radicaux. C’est un texte ambigu, encore chargé de la phraséologie imposée par le Komintern après le Pacte germano-soviétique.

Mais le vent est en train de tourner. Reynold Thiel a pu apprendre à Jérôme que l’assaut contre l’URSS était imminent: son supérieur venait d’être mobilisé sur le front de l’Est. Les communistes vont entrer dans la résistance violente, et tenter d’enterrer deux ans de compromissions embarrassantes à l’unisson du cynisme stalinien, entre la signature du Pacte (septembre 39) et l’opération Barbarossa, l’invasion de l’Union soviétique (juin 41).

Thiel fournit à Jérôme une autre information. La Wehrmacht se prépare à faire rouler vers l’Allemagne un convoi ferroviaire dont les wagons ouverts sont remplis de blé en gerbes. Un débat s’engage à la direction du PC sur l’opportunité de détruire cette moisson séquestrée. Une telle action vaut-elle les représailles qui ne manqueront pas d’être déclenchées? Jean Jérôme reçoit un feu vert. Il fait fabriquer des bombes incendiaires munies de détonateurs à retardement. Les engins sont lâchés d’un pont, dans le nord, au passage des wagons ouverts. Quelques jours plus tard viendront les échos d’une enquête ouverte pour sabotage, à Aix-la-Chapelle.

A Paris, la Gestapo et ses supplétifs des Brigades spéciales commencent à s’intéresser de près à la librairie de la rue Guénégaud. Plusieurs perquisitions ont déjà eu lieu quand Maurice Magis est arrêté, à la fin de l’été 42, et enfermé au camp de Pithiviers. Deux mois plus tard, c’est l’appartement des Magis, plus haut dans la rue, qui est visé. Jean-Jacques, le fils de 13 ans, se cache dans les toilettes. Mais il est pris, battu.

• And From La bataille de Crux-la-Ville by Alain Campiotti

Maurice Magis, le libraire de la rue Guénégaud à Paris, arrive pour prendre le commandement du maquis Daniel. Il est le seul à avoir une véritable expérience militaire, acquise dans l’armée belge au Congo. Il vient de Dun-les-Places, au cœur du Morvan, où il se cachait avec son fils Jean-Jacques pour échapper à l’arrestation. Thiel et Le Bournot sont ses adjoints. Le petit cercle d’amis communistes de Paris s’est reconstitué dans les bois.

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Les premières actions du maquis Daniel sont des réquisitions, ce qui ne contribue pas à le rendre populaire dans la région. Le plus grand nombre des combattants très peu armés viennent de la ville, ouvriers qui ont fui dans le Morvan le service du travail obligatoire imposé par les Allemands. Autour de Daniel, il y a une série d’autres maquis: Julien, Mariaux, Camille, Bernard, Socrate… Certains sont liés au Parti communiste (FTP, Francs-tireurs et partisans), d’autres aux gaullistes (FFI, Forces françaises de l’intérieur). Daniel a une position singulière: il est affilié aux FFI, mais dirigé par des communistes.

Les premiers accrochages suivent le débarquement des Alliés en Normandie, en juin 44. Des embuscades sont tendues à des convois allemands sur la route Château-Chinon-Nevers, au sud du maquis, et sur des axes nord-sud. La Wehrmacht, qui déplace des renforts vers la Normandie, monte fin juin une expédition punitive. Elle s’achève par un massacre à Dun-les-Places: 20 personnes sont exécutées avec le maire, Anatole Emery, une douzaine de maisons sont incendiées.

Les embuscades continuent. L’une d’entre ­elles, le 8 août, coûte la vie à 27 soldats allemands. Cette fois, la Wehrmacht engage des centaines d’hommes dans une opération de ratissage autour de Crux-la-Ville, où sont implantés Julien, Mariaux et Daniel. La bataille dure quatre jours. Les maquisards tiennent, puis reculent dans les bois de Vaux, où sont retranchés les hommes de Maurice Magis. A Crux, les Allemands prennent des otages, accusent l’abbé Mulot, le curé du village, d’être complice des «terroristes», et lui ordonnent de creuser sa propre tombe. Puis ils se retirent le 17 août de la région. Les maquis, repliés plus à l’est dans le Morvan, considèrent qu’ils ont remporté une victoire.

Les Alliés descendent du nord-ouest, prennent Paris le 28 août. A ce moment-là, Reynold Thiel, le lieutenant Raymond, n’est plus avec Daniel. Il a pris du grade. Il est l’adjoint de Jean Longhi, chargé du renseignement. Longhi, alias Grandjean, est le commandant des maquis de la Nièvre. Pendant la guerre d’Espagne, il aidait Mikhael Feintuch, alias Jean Jérôme, à fabriquer des copies de Beretta pour les républicains.